Avec le PRG de 21 retenu à Kyoto, les 349 millions de tonnes de méthane émises en 2005, selon la base de données EDGAR (Emission Database for Global Atmospheric Research), représentent environ 15% du total des émissions de GES, et si l'on applique le PRG à 20 ans elles représenteraient environ 37% du nouveau total. ''L'accent mis sur le long terme masque l'urgence de la lutte contre les émissions de méthane et la décennie passée a montré l'importance d'un pic des émissions peu élevé d'ici 2015 à 2020'', analyse Benjamin Dessus.
Lutter contre les émissions de méthane
Selon les données EDGAR, en 2005 les émissions mondiales de méthane étaient principalement liées à trois secteurs : l'agriculture (40,7%), l'énergie (31,7%) et les déchets (18,4%). S'agissant de l'agriculture, les sources se décomposent entre la fermentation entérique du cheptel (68,2%), la culture du riz (23,9%) et la gestion des déjections animales (7,9%). Les émissions fugitives associées à l'énergie sont issues pour deux tiers de l'industrie pétrolière et gazière et pour un tiers de l'industrie charbonnière. Enfin, s'agissant des déchets, 55,3% des émissions proviennent du traitement des eaux usées et 44,6% de la mise en décharge des ordures.
Cependant, il est possible de réduire sensiblement les émissions de méthane avec des technologies simples et disponibles, d'autant plus que dans un contexte de hausse du prix des énergies, certaines de ces mesures s'autofinancent en partie grâce à la valorisation du méthane pour la production d'électricité. Ainsi, un rapport de l'Agence française de développement (AFD) estime qu'il existe un potentiel de réduction rapide des émissions de 30% par rapport au niveau actuel. De plus, pour Michel Colombier, directeur scientifique de l'IDDRI, ''une politique spécifique au méthane est rapidement applicable car elle remet peu en question les modes de vie, alors que la réduction des émissions de C02 requiert un débat de société plus profond''. En effet, mise à part la question agricole, qui ouvre le débat sur la place de la viande dans les régimes alimentaires, les politiques de lutte contre les émissions de méthane sont liées à des processus techniques de réduction des fuites du réseau gazier ou de captage du méthane dans les décharges, les stations d'épurations et les mines de charbon. De plus, une fois les dispositifs en place la réduction des rejets se poursuit dans le temps ce qui n'est pas le cas de toutes les mesures de réduction du CO2. ''Finalement il serait simple d'agir en mettant en place des outils réglementaires appropriés'' estime Michel Colombier.
Autre avantage, la réduction des émissions de méthane ne remet pas en cause la croissance des pays développés et le développement économique des pays du sud, contrairement à la réduction des émissions de C02 qui impose une transition énergétique complexe. Cet aspect est important car, ''sur le plan de l'évolution du climat, une action rapide sur les émissions de méthane permet de relâcher la contrainte temporelle qui pèse sur la réduction des émissions de CO2 qui réclame des changements structurels à longs terme'' analyse Benjamin Dessus.
Une action différenciée pour les émissions de méthane ?
Selon le rapport de l'AFD, l'Allemagne a réduit de 43% ses émissions de méthane entre 1990 et 2004 grâce à une politique appropriée. Cette réduction a le même impact sur le climat, pour un coût moindre, que la baisse de 14% des émissions de C02 sur la même période. Quant au MDP du protocole de Kyoto, 20% des projets concernent le méthane, selon le Risoe Centre du PNUE. Enfin, les Etats-Unis ont créé Methan to Market en 2004, afin de réduire les émissions au niveau international grâce aux techniques les plus rentables. Le programme a alloué 40 millions de dollars à 170 projets.
Pour favoriser la prise en compte du méthane à court terme, il serait possible de réévaluer son PRG dans le cadre de la CCNUCC. Cependant, les scientifiques craignent de brouiller le message, car les opinions publiques ont intégré la relation entre le CO2 et les changements climatiques. Les secteurs concernés se satisfont de l'accent mis sur les émissions de CO2 et de la mise à l'index du charbon. Quant aux acteurs du marché carbone, ils craignent une chute du prix du CO2 car il serait alors possible d'obtenir plus de crédits carbone via les projets MDP de réduction des émissions de méthane. De plus, ''le débat n'est pas là, il s'agit plutôt d'établir des programmes spécifiques au méthane car ils ne nécessitent pas de long débat de société et ils s'ajouteraient aux actions sur les émissions de C02 plus longues à développer'' précise Michel Colombier.
Enfin, dans le cadre des négociations internationales, une prise en compte d'ici 2030 de l'effet des programmes liés au méthane, ''permettrait de mieux comparer l'effort à court terme entre les pays développés'', explique Michel Colombier. En effet, si l'objectif américain pour 2020 est plus faible que celui proposé par l'Europe, ils sont néanmoins du même ordre en 2030. Or, les Etats-Unis ont un potentiel de réduction des émissions de méthane plus élevé que l'Union européenne. Une stratégie américaine propre au méthane, et sa prise en compte avec un PRG à plus court terme, permettrait de réduire l'écart d'ici à 2020 entre l'effort américain et celui des autres parties. ''Cependant, à Copenhague l'idée n'a pas était évoquée car les Etats ont proposé leur objectif sans ouvrir le dossier de la comparabilité des efforts'', conclut Michel Colombier.